Thème de recherche
L’objectif principal de mes travaux de recherche est de quantifier et limiter les risques de pollution des sols, des eaux et des productions végétales suite à la valorisation de matières organiques (lisiers, composts, boues de STEP, etc.) en agriculture.
L’approche retenue est multi-échelle et consiste :
(i) au laboratoire, en colonnes de sol, à suivre en continu et en conditions parfaitement contrôlées, les flux d'eau et de solutés après des apports de déchets organiques ;
(ii) à l’échelle de la parcelle expérimentale, à étudier le comportement spécifique des polluants dans les sols et leurs interactions au sein des grands cycles biogéochimiques ;
(iii) à l’échelle régionale, à caractériser, cartographier et hiérarchiser les propriétés des sols qui influencent le transfert des éléments potentiellement polluants pour les sols et vers les nappes phréatiques.
Sélection de publications significatives de Frédéric FEDER
À partir de 2018, directeur de l'unité de recherche « recyclage et risque »
Membre du comité d'experts spécialisé (CES) « Eaux » de l'Anses (2020-2024, 2024-2027).
Membre de la CSS 3 de l'IRD (commission scientifique sectorielle CSS 3 « Sciences des systèmes écologiques »)
Editeur associé du Arabian Journal of Geosciences.
Membre du comité stratégique du RMT Bouclage (recyclage, fertilisation et impacts environnementaux).
Membre du conseil d'administration de l'Afes (association française de l'étude des sols) jusqu'en 2022.
Membre du conseil d'administration (1er collège) du Comifer (comité français d'étude et de développement de la fertilisation raisonnée).
De 2011 à 2019 à Dakar, Sénégal
Éléments contextuels
En 2025 en Afrique subsaharienne, près de la moitié de la population vivra dans de grandes villes (Cohen, 2004 ; United Nations, 2006). Dans ces contextes urbains et périurbains, le développement des agricultures répond prioritairement à des besoins de sécurité alimentaire et de diversification des ressources alimentaires tout en étant créatrices d'emplois et de richesse (Ellis et Sumberg, 1998 ; De Bon et al., 2010). Pour intensifier ces productions dans un contexte d'enchérissement des engrais minéraux, le recours aux matières organiques d'origine agricole (composts, fumiers, etc.), agro-industrielle (déchets d'abattoirs, etc.) ou urbaine (boues de station d'épuration, déchets ménagers, etc.) est fréquent mais leur utilisation est difficile à raisonner (Cofie et al., 2006 ; N'Dienor, 2006). En effet, la valorisation optimale en agriculture de ces intrants organiques sera toujours très dépendante de la connaissance de leurs compositions, de leurs propriétés et du système sol-plante au sein duquel ils sont valorisés. Si les pratiques d'utilisation des matières organiques s'accentuent sans être correctement maitrisées, ces systèmes périurbains intensifiés peuvent engendrer :
– des risques sanitaires essentiellement sur les cultures maraichères, à très court terme lors de la consommation des produits (thématique à développer en collaboration) ;
– des risques de pollution des sols et des ressources en eau, à court et à long terme qui sont très dépendants du milieu (sol, sous-sol) et des produits organiques apportés.
Hypothèses et questions de recherche
L'accroissement en quantité et en fréquence des apports de matières organiques nécessite d'améliorer les connaissances sur leurs transformations et leurs impacts à moyen et long terme dans ce contexte spécifique de sols tropicaux périurbains. En effet, la minéralisation des matières organiques induit des modifications majeures des conditions physiques, chimiques et biologiques du système sol-plante. Ces apports de matières organiques sont potentiellement source de risques (éléments polluants majeurs et traces, microbiologiques) ; ils peuvent également modifier la spéciation et le comportement des éléments polluants déjà présents. Pour évaluer les impacts à long terme, la dynamique des matières organiques doit être étudiée conjointement de celles des éléments potentiellement polluants (N, P, K, ETM, etc.).
Objectifs et méthodologies
Le premier objectif a consisté à identifier les situations agropédologiques à risques et les pollutions associées. Pour cela, nous nous sommes appuié sur la bibliographie, les travaux réalisés dans le cadre du projet Isard sur Dakar et l'expertise locale. Nous avons été amenés à compléter ces informations par des analyses complémentaires ponctuelles. Le second objectif est de reproduire en conditions contrôlées de laboratoire ces systèmes et de coupler différentes échelles d'étude. En batch, les propriétés des matières organiques apportées aux sols sont appréhendées en mettant en jeu des techniques de fractionnement biochimique et de caractérisation spectroscopique. Les concentrations en polluants, tels les ETM, ainsi que leur spéciation sont mesurées au sein des différents compartiments. Pour compléter ces approches « structurales », une approche plus « fonctionnelle » est réalisée avec des techniques polarographiques ou le DGT (Diffusive Gradient in Thin films). Parallèlement à ces approches en conditions statiques, nous suivons, en conditions dynamiques de flux d'eau, la minéralisation des matières organiques et la description de la spéciation des ETM par des expérimentations à l'échelle de colonnes de sol. Le troisième objectif est de disposer d'une banque de données suffisantes sur la réactivité du système pour alimenter les modèles de simulation biogéochimiques afin d'évaluer des impacts à long terme.
De 2001 à 2011 à l'île de la Réunion (océan Indien)
Au cours de cette période, l'essentiel de mes travaux scientifiques se sont déroulé sur l'île de la Réunion. Cette île volcanique et tropicale est jeune, son relief est marqué et sur une faible superficie, nous observons une très forte diversité des sols (Andosols, Podzols, Nitisols, Alisols, Phaeozems, Umbrisols, Vertisols, etc.), du climat (précipitations moyennes annuelles variant de 500 à 10 000 mm) et des cultures (canne à sucre, cultures maraîchères, etc.). La valorisation en agriculture des déchets organiques d'origine agricole (lisiers, fumiers, compost...), agro-industriel (vinasses des distilleries de rhum) ou urbaine (boues de STEP) représente un enjeu majeur, essentiellement environnemental, mais aussi socio-économique. En effet, la forte augmentation de la population dans les vingt prochaines années tend à favoriser l’urbanisation au détriment des territoires agricoles.
- À l’échelle de la parcelle, nous menons des expérimentations in situ en conditions réelles. Le suivi des flux d’eau et de solutés se fait grâce à une instrumentation automatisée et in situ à l'aide de centrales d'acquisition programmables (monitoring environnemental). Ceci nous permet d’utiliser, conjointement et à un pas de temps très fin, des modèles mécanistes tels Hydrus, PhreeqC, HP1, WAVE... pour l’étude des transferts hydriques et de la spéciation en solution des différents polluants. Les interactions sols / solutés sont ainsi étudiées spécifiquement dans un contexte agro-pédologique et climatique donné.
- À l’échelle régionale, l’objectif est d’intégrer l’ensemble des connaissances acquises à toutes les échelles (batch, colonnes de sols, parcelles, etc.) en tenant compte de la variabilité spatiale du milieu physique. Pour cela, nous réalisons une cartographie des sols et de leurs différentes propriétés qui peuvent jouer un rôle sur la rétention des polluants dans le sol ou leur transfert vers les aquifères.
Domaine de compétence et expertise
- Évaluation des risques de pollution des sols et des eaux.
- Instrumentation et monitoring in situ (flux d'eau, de soluté, centrales d'acquisition...)
- Modélisation des flux d’eau et de solutés (PhreeqC, Hydrus-1D, HP1, WAVE, equilT).
- Spéciation chimique en solution des polluants et équilibres thermodynamiques sol / solution.
- Cartographie pédologique, cartes de vulnérabilité.
Montage et participation aux projets
- 2013 – 2020 : élaboration d’un partenariat avec Veolia Eau Réunion pour la création d’un dispositif de suivi à long terme de l’épandage des boues séchées de la Step du grand Prado. (http://www.grand-prado.re).
- 2015 – 2017 : coordination avec S. Simon du projet « Transition agro-écologique en milieu périurbain tropical : détermination des critères et du niveau d'intensification durable optimal des sols maraichers ».
- 2011 – 2013 : participation au projet intitulé SOERE-PRO « Impacts environnementaux du recyclage de produits résiduaires organiques sur les écosystèmes cultivés ». Labellisation 2011 des Systèmes d’Observation et d’Expérimentation sur le long terme, pour la recherche en environnement. Mise en place d’un site expérimental commun avec le projet ci-dessus.
- 2012 – 2014 : participation au projet CORAF : « Externalités négatives de l’intensification des sols cultivés en milieu périurbain : méthodes et outils d’évaluation et pratiques alternatives ».
- 2011 – 2013 : élaboration et coordination du projet Reuse « Étude complémentaire portant sur l’impact de l’utilisation des eaux usées épurées sur les sols et le développement des végétaux - Projet de Reuse de la step du Grand Prado ». Financement de 237 k€ par la Cinor (http://www.cinor.org). Réalisation d’expérimentations en colonnes de sol remaniés, en pots sous serre avec et sans plante et en conditions réelles de plein champ.
- 2011 – 2013 : participation au projet Casdar GIROVAR « gestion intégrée des résidus organiques pour la valorisation agronomique à la Réunion ». (http://www.girovar.com). Élaboration, dans le cadre de la tâche 1a, d’une cartographie des grands types de sol et de leurs contraintes agronomiques sur le Territoire de la Côte Ouest (TCO).
- 2011 – 2013 : participation au projet Casdar Réseau PRO « Création d’un réseau d’essais au champ et d’un outil de mutualisation des données pour l’étude de la valeur agronomique et des impacts environnementaux et sanitaires des Produits Résiduaires Organiques (PRO) recyclés en agriculture ». Exploitation des données de l’expérimentation menée sur la station des Colimaçons (épandage de lisiers de porc sur prairies.
- 2011 – 2012 : montage d’un projet d’expertise sur la valorisation des effluents porcins aux Seychelles. Financement de 33 k€ du FCR (fonds de coopération régional) et du FEADER (mesure 2.02). Coopération avec la DAAF et la FRCA (fédération réunionnaise des coopératives agricoles).
- 2009 – 2012 : participation au projet ISARD « Intensification écologique des Systèmes de production Agricoles par le Recyclage des Déchets ».
- 2007 – 2010 : coordination de la partie expérimentation en conditions réelles du projet intitulé « dépollution des déchets liquides par les bambous. Adaptation de la technologie PHYTOREM aux conditions tropicales de l'île de la Réunion » financé par le fond unique interministériel, la région et le département de la Réunion, la région PACA, des entreprises réunionnaises, le CIRAD et PHYTOREM (www.phytorem.com).
- 2008 – 2011 : coordination du projet Pilmo3 « création et pilotage de systèmes de cultures adaptés aux risques environnementaux ».
- 2006 – 2008 : coordinateur du projet intitulé « évaluation des risques liés au transfert des polluants à travers les sols et vers les nappes ». Financement de 85 k€ par le ministère de l’outre-mer (appel d'offre 2005) et la Diren Réunion.
- 2004 – 2007 : participation au projet de recherche intitulé « recyclage agricole des déchets organiques dans les sols tropicaux : quel impact sur les transferts d'éléments traces métalliques (île de la Réunion) ? » financé par l'Ademe dans le cadre de l'APR Gessol2. Je participe aux axes « étude en colonnes de sol », « suivi in situ » et « modélisation ». http://etmreunion.cirad.fr
- 2004 – 2006 : participation au projet ECCO–PNBC intitulé « rôle des complexes organo-minéraux sur la séquestration du carbone dans les sols ».
- 2001 – 2005 : participation au réseau européen COST-622 intitulé « Andosols of europe - Soil Resources of European Volcanic Systems ». http://www.rala.is/andosol/
Affectation
CIRAD, unité « recyclage et risque »
département Persyst,
avenue Agropolis, TA B-78/01
34 398 Montpellier CEDEX 5
+33 (0) 4 67 61 49 44
frederic.feder@cirad.fr
Références bibliographiques citées
Cofie, O., Bradford, A.A, Dreschel, P. (2006) Recycling of urban organic wastes for urban agriculture. In: Veenhuizen R. van (Ed.), Cities farming for the future, Urban agriculture for sustainable cities, RUAF Foundation, IDRC and IIRR, p. 209-242.
Cohen, B. (2004) Urban Growth in Developing Countries: A Review of Current Trends and a Caution Regarding Existing Forecasts. World Dev., 32, 1, 23-51. http://dx.doi.org/10.1016/j.worlddev.2003.04.008
De Bon, H., Parrot, L. and Moustier, P. (2010) Sustainable urban agriculture in developing countries. A review. Agron. Sust. Dev., 30:21-32.
Ellis, F., Sumberg, J. (1998) Food production, urban areas and policy responses. World Dev., 26, 213-225. http://dx.doi.org/10.1016/S0305-750X(97)10042-0
N'Dienor, M. (2006) Fertilité et gestion de la fertilisation dans les systèmes maraîchers des pays en développement : intérêts et limites de la valorisation agricole des déchets urbains dans ces systèmes, cas de l'agglomération d'Antananarivo. Thèse de doctorat, INA Paris-Grignon, Paris, France.
United Nations UN (2006) World Urbanization Prospects - The 2005 Revision, United Nations Population Division, Department of Economic and Social Affairs, New York.